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Syndrome du marteau hypothénar

Syndrome du marteau hypothénar: qu’est-ce que c’est ?

Il s’agit d’une atteinte vasculaire locale pouvant survenir lorsque la paume de la main est employée comme moyen de percussion directe contre un objet ou un plan dur. Il en résulte une diminution du débit sanguin, plus particulièrement dans les derniers doigts (annulaire, auriculaire) d’où une absence d’irrigation du bout des doigts.

Les traumatismes répétés de la paume de la main et notamment de la région hypothénar (partie charnue de la paume de la main située du côté du cinquième doigt ou auriculaire) ont pour conséquence des lésions de l’artère cubitale (ou ulnaire) et/ou de l’arcade palmaire superficielle qui lui fait suite. Ces deux structures vasculaires assurant l’apport sanguin des deux derniers doigts, c’est dans cette région que prédomineront les signes.

La symptomatologie est dominée par les problèmes d’irrigation sanguine. Le patient ressent une sensation de main froide, douloureuse, une raideur dans les doigts et une intolérance au froid allant jusqu’au phénomène de Raynaud (cf. notre dossier sur ce sujet), symptôme le plus important.

L’examen de la main peut montrer une pâleur, une froideur, des marbrures, des pétéchies (micro-hémorragies cutanées formant des petites taches violacées) sous les ongles, des ulcérations artérielles, un début de gangrène.

Associés à ces signes de mauvaise vascularisation, on retrouve plus rarement des signes témoins d’une atteinte du nerf ulnaire : sensibilité, paresthésies (fourmillements) ou diminution de la force musculaire.

L’auriculaire et l’annulaire, principaux doigts touchés

Tous ces signes se retrouvent surtout dans l’auriculaire et l’annulaire. L’index et le majeur sont plus rarement atteints, le pouce n’est jamais touché. Enfin, on peut observer une tuméfaction douloureuse dans la région hypothénar ou même un cal à ce niveau témoignant des traumatismes répétés de cette région.

La suspicion de syndrome du marteau hypothénar se fait sur les éléments précédents ainsi que sur des manœuvres consistant à étudier la coloration de la peau après compression des artères radiale et ulnaire (manœuvre de Allen). L’écho doppler artériel et surtout l’angiographie (ponction artérielle, injection d’un produit iodé puis radiographies permettant de visualiser le réseau artériel) permettront d’affirmer le diagnostic.

Si les lésions artérielles sont modérées, le traitement fera appel à l’arrêt du geste en cause. En cas d’atteinte plus sérieuse, un traitement médicamenteux et surtout chirurgical sera nécessaire. Enfin, comme dans toute pathologie vasculaire, l’arrêt du tabac est impératif.

Syndrome du marteau hypothénar: epidémiologie dans le cadre professionnel

Toute activité où la paume de la main est soumise à des traumatismes de façon régulière est susceptible de générer un syndrome du marteau hypothénar.

Ces traumatismes sont souvent liés à un geste professionnel. Mais le syndrome du marteau hypothénar peut parfois se rencontrer chez certains sportifs, amateurs ou surtout professionnels.

Les activités concernées peuvent donc être classées en deux catégories :

Les travailleurs manuels chez qui la main sert d’outil pour ajuster, écraser, presser, tordre les objets ou les outils. Les secteurs les plus touchés sont :

  • l’industrie du bâtiment et des travaux publics (carreleurs, maçons) ;
  • de l’automobile (carrossiers, mécaniciens) ;
  • de l’industrie du bois (sculpteurs manuels) ;
  • et de la métallurgie de transformation (tourneurs, fraiseurs).

Les sportifs. De nombreux sports peuvent être à l’origine du syndrome du marteau hypothénar que les chocs se fassent :

  • directement avec une balle ou un objet (volley-ball, handball, basket-ball, football américain, base-ball, frisbee, karaté, judo, haltérophilie, arts martiaux) ;
  • ou de façon indirecte avec un instrument tenu fermement par la main et qui transmet les chocs à la région hypothénar (base-ball encore, hockey, tennis, badminton, golf).

Que l’origine soit professionnelle ou sportive, il existe des susceptibilités individuelles qui font que, pour un même geste, certains vont développer plus rapidement un syndrome du marteau hypothénar que d’autres qui ne seront jamais touchés.

Cependant, la répétitivité des traumatismes est un facteur important conditionnant l’apparition d’un syndrome du marteau hypothénar. Ainsi, une étude réalisée chez des handballeurs a montré que les joueurs qui avaient plus de 200 heures de matchs étaient plus à risque que les autres.

Syndrome du marteau hypothénar: comment cela arrive-t-il ?

Les traumatismes répétés de l’artère cubitale (ulnaire) et/ou de l’arcade palmaire superficielle vont provoquer des lésions conduisant à la diminution de leur calibre ou à l’envoi de caillots obturant les artères plus distales représentées par les artères digitales.

Au niveau de l’éminence hypothénar, sur deux centimètres, l’artère ulnaire et l’arcade palmaire superficielle qui va lui faire suite ne sont recouvertes que par la peau, la graisse, le muscle palmaire cutané avant de pénétrer dans l’aponévrose (membrane fibreuse) palmaire. Elle est par ailleurs fermement maintenue par des structures ligamentaires, et repose sur l’os crochu (petit os du carpe situé comme l’artère ulnaire du côté du petit doigt de la main).

Lors de traumatismes de la région hypothénar, l’artère ulnaire n’est donc que faiblement protégée par les structures anatomiques qui la recouvrent. Sa contention par les structures ligamentaires renforce le rôle de l’os crochu, en arrière d’elle, qui joue le rôle d’une enclume.

Les traumatismes déclenchent un spasme vasculaire qui va diminuer l’afflux sanguin dans les doigts. Petit à petit, l’intima (paroi en contact direct avec le sang, qui représente la tunique interne des vaisseaux) subira des dommages et l’association avec le spasme vasculaire va diminuer le débit sanguin et conduire à une agrégation des plaquettes, cellules sanguines activant la coagulation. Un thrombus (caillot de sang) va se constituer et oblitérera l’artère en tout ou partie. Un processus inflammatoire se développera de façon concomitante.

Si les traumatismes continuent, la média (paroi recouvrant l’intima et formant la couche moyenne de l’artère) va s’affaiblir et former un anévrisme, c’est-à-dire une dilatation de l’artère dans lequel s’engouffre le sang, ce qui peut amener à la formation de caillots.

Des petits caillots peuvent alors migrer vers l’aval, c’est-à-dire vers les artères des doigts (auriculaire et de l’annulaire surtout), ce qui vient encore affaiblir un afflux sanguin déjà déficient.

Enfin, l’occlusion peut aussi être causée par l’épaississement de la paroi externe de l’artère, l’adventice, et les tissus périphériques qui l’entourent, ce qui amène à une réduction du calibre de l’artère touchée.

La susceptibilité individuelle aux traumatismes de l’artère ulnaire ou de l’arcade palmaire superficielle s’explique par des variations anatomiques locales et notamment l’existence des corps musculaires aberrants qui favorisent les lésions artérielles. Au contraire, un bon réseau de collatérales permettra de suppléer une artère ulnaire ou une arcade palmaire superficielle lésée.

Syndrome du marteau hypothénar: prévention individuelle et collective

La prévention individuelle et collective se rejoignent étant donné le mécanisme du développement du syndrome du marteau hypothénar : il faut éviter d’utiliser la paume de la main en guise de marteau pour frapper, écraser, presser ou tordre des objets.

D’un point de vue de la prévention collective, on s’abstiendra, par exemple de concevoir des systèmes de commande demandant une pression relativement forte et que l’opérateur pourrait manœuvrer avec la paume de la main. Si ce type de commande appelé encore « coup de poing » est très bien adapté pour un arrêt d’urgence du fait de sa grosseur et sa visibilité, il ne doit pas être employé pour des opérations répétitives.

D’un point de vue individuel, on devra essayer de changer certains gestes de travail afin de ne pas solliciter la paume de la main. L’information des salariés, notamment par le médecin du travail, est capitale.

Ainsi, par exemple, le carrossier ne devra plus essayer de rentrer en force une pièce de voiture en la martelant avec les paumes de ses mains : il cherchera à mieux l’ajuster d’abord. Le mécanicien ne devra plus débloquer les écrous récalcitrants en percutant sa clef avec la paume de sa main : il s’aidera d’un marteau ou mieux, d’une dévisseuse.

Syndrome du marteau hypothénar: quel traitement ?

L’objectif est de restaurer une vascularisation suffisante au niveau des artères digitales. Selon les lésions révélées par l’angiographie, on optera pour un traitement médical ou chirurgical. L’arrêt du tabac fait partie intégrante du traitement.

Si le patient a une bonne circulation collatérale et que l’angiographie suggère surtout un mécanisme de spasme vasculaire, on tente un traitement conservateur (sans chirurgie). Les mesures de base sont l’arrêt du geste professionnel en cause, la mise au repos de la main, et la suppression de toute exposition au froid. Un traitement médicamenteux est possible mais le choix des médicaments est encore controversé :

  • Les vasodilatateurs et les inhibiteurs du calcium permettent une augmentation du calibre des artères
  • Les antiagrégants évitent la formation de caillots
  • Les corticoïdes ont un effet sur l’inflammation, toujours présente, au niveau des parois artérielles
  • Les anticoagulants luttent contre l’extension des caillots
  • L’Iloprost (administré par voie intraveineuse) combine un effet vasodilatateur et antiagrégant

Si les dommages vasculaires sont importants, l’arrêt du geste en cause est d’autant plus nécessaire et l’intervention chirurgicale sera envisagée. Elle consiste en la résection (ablation) de la zone pathologique et l’anastomose (mise bout à bout des deux parties) de l’artère dans les cas les plus favorables. Cependant, l’étendue de la résection ne permet pas toujours ce geste et il est souvent nécessaire de procéder à un pontage micro-chirurgical, ce pontage étant réalisé à partir d’un greffon veineux prélevé à l’avant-bras. En postopératoire, un traitement médical sera mis en route pendant quelques semaines. Etant donné qu’il s’agit d’une pathologie et donc d’un acte chirurgical assez rare, il est difficile d’estimer les résultats d’une telle intervention. Certains auteurs ont cependant rapporté des données montrant d’excellents résultats pour 57 % des patients et une amélioration correcte pour les autres.

Enfin, en cas de contre-indication à la chirurgie, il a été proposé un traitement par injection intra-artérielle de thrombolytiques (substances détruisant les caillots) mais le bénéfice lorsque des lésions artérielles sont constituées n’est pas démontré à long terme.

Syndrome du marteau hypothénar: réparation

Depuis 1991 pour le régime général et 1993 pour le régime agricole, tous les syndromes du marteau hypothénar professionnels peuvent faire l’objet de réparation.

Les tableaux de maladies professionnelles indemnisables comportent l’énumération, rangée par rubriques, des conditions que le malade doit remplir, pour obtenir l’indemnisation. Ces rubriques sont : la désignation de la maladie, le délai de prise en charge (délai maximal entre la fin de l’exposition au risque et la première constatation de la maladie) et la liste (indicative ou limitative) des travaux susceptibles de provoquer la maladie.

Si le salarié remplit ces différentes conditions, il bénéficie de la présomption légale d’origine professionnelle de sa maladie (c’est-à-dire que ce n’est pas à lui d’apporter les preuves, mais à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) ou à l’employeur de démontrer que la maladie n’est pas liée au travail).

C’est à la victime de faire elle-même la demande auprès de la Caisse primaire d’assurance maladie dont elle dépend. La demande sera effectuée par une déclaration, établie sur un formulaire type disponible auprès des CPAM. Cette déclaration sera accompagnée des deux premiers volets du certificat médical descriptif de la maladie, établi par le médecin traitant ou le médecin du travail, et envoyée à la CPAM dont dépend l’assuré.

Le médecin conseil de la CPAM apprécie, accepte ou rejette cette déclaration (au besoin après examen du patient et/ou enquête technique).

Le tableau 69 du régime général et le tableau 29 du régime agricole des maladies professionnelles indemnisables (partie C) concerne le syndrome du marteau hypothénar.

L’angiographie est obligatoire pour la demande de réparation : elle doit objectiver un anévrisme ou une thrombose de l’artère cubitale ou de l’arcade palmaire superficielle. Elle est de toute façon nécessaire pour la prise en charge de cette maladie.

Le délai de prise en charge est d’un an.

L’exposition au risque, c’est-à-dire le temps pendant lequel le geste responsable des lésions a été pratiqué, doit être d’au moins cinq années.