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Arthrose du coude professionnelle

Arthrose du coude professionnelle : qu’est-ce que c’est ?

L’arthrose correspond à une usure anormale du cartilage des articulations.

Bien que très fréquente au niveau des autres articulations, l’arthrose du coude est une affection rare dans la population générale : elle se rencontre essentiellement chez les utilisateurs professionnels d’outils vibrants. A ce titre, elle fait partie des maladies professionnelles indemnisables.

L’apparition de la maladie est insidieuse, sur plusieurs années, les premiers signes étant une gêne et parfois une légère douleur, surtout à la flexion-extension.

La gêne, avec limitation de la flexion-extension, peut passer longtemps inaperçue. On note plus tard et plus rarement une limitation de la supination (mouvement de rotation de l’avant-bras).

La douleur siège parfois de façon élective sur l’épitrochlée (si vous avez l’avant-bras le long du corps, paume tournée vers l’avant, l’épitrochlée est la « bosse » située le plus à l’intérieur du coude, l’épicondyle est la plus à l’extérieur). Cette douleur a tendance à augmenter au fur et à mesure de la semaine de travail.

La palpation du coude peut mettre en évidence un discret gonflement associé à des petits craquements.

C’est la radiographie qui fait le diagnostic : les images précèdent d’ailleurs nettement les premiers symptômes. Il s’agit de signes d’arthrose, bien qu’ils soient un peu différents des arthroses classiques, notamment par l’absence de pincement net de l’interligne articulaire (dans l’arthrose classique, le pincement de l’interligne articulaire traduit la diminution d’épaisseur et la détérioration du cartilage).

Le développement d’ostéophytes (excroissances de tissu osseux se développant à proximité des articulations), que l’on rencontre dans l’arthrose classique, est ici très marqué au niveau des capsules des articulations, des ligaments et des insertions tendineuses. L’une des plus touchées est l’insertion tendineuse du triceps sur l’olécrane (extrémité inférieure de l’humérus). Le triceps est un muscle du bras dont la principale fonction est l’extension de l’avant-bras sur le bras : on comprend mieux pourquoi la gêne se manifeste d’abord sur ce geste-là.

Visible sur les radiographies, le développement de ces ostéophytes peut être considérable et justifie le terme d’arthrose « hyperostosante » qui est souvent appliqué à cette pathologie.

A ce stade, le traitement de cette arthrose n’est pas différent de celui d’une arthrose classique.

L’évolution de cette arthrose du coude peut se faire vers le développement d’une ostéochondromatose : apparition de petits corps cartilagineux à l’intérieur de l’articulation. Cliniquement, il en résulte un gonflement articulaire, avec sensation de crépitation à la palpation, perception de corps étrangers dans les culs de sac de l’articulation et parfois phénomènes de blocage.

Le diagnostic d’ostéochondromatose peut se faire sur les radiographies standards ou mieux par l’arthrographie qui montrent les corps étrangers intra-articulaires.

Le traitement s’efforcera de lutter contre les réactions inflammatoires qui évoluent en poussées : anti-inflammatoires, infiltrations. Une arthroscopie pourra être nécessaire : elle permettra d’explorer l’articulation et d’en extraire ces corps étrangers.

L’autre forme évolutive est la compression du nerf cubital dans la gouttière qui se trouve derrière l’olécrane (extrémité inférieure de l’humérus), soit par l’arthrose, soit par l’ostéochondromatose. Cette compression entraîne dans le territoire du nerf cubital, au niveau de l’annulaire et de l’auriculaire, des fourmillements, une diminution de la sensibilité, une atrophie des petits muscles interosseux et une déformation en griffe de ces deux derniers doigts.

La confirmation du diagnostic se fera par l’électromyographie qui permettra de juger de la gravité de l’atteinte due à la compression.

Le traitement médical fait appel aux infiltrations de corticoïdes. Le traitement chirurgical comporte une libération du nerf par une incision sur la face interne du coude.

Arthrose du coude professionnelle : épidémiologie dans le cadre professionnel

Classiquement, l’arthrose du coude entre dans le cadre de la pathologie des vibrations transmises au membre supérieur. C’est donc chez les utilisateurs professionnels d’outils vibrants que sa fréquence est élevée.

Les vibrations transmises au membre supérieur (encore appelées vibrations transmises au système main-bras) sont des vibrations de moyenne et haute fréquence (entre 20 et 1 000 Hz) entraînant des risques de troubles vasculaires et neurologiques et de lésions ostéo-articulaires limitées au membre supérieur. Elles sont le fait des outils vibrants.

Elles différent des vibrations de basse fréquence (autour de 5 Hz) qui sont transmises à l’ensemble du corps et qui peuvent conduire à des lombalgies et à des traumatismes de la colonne vertébrale. Ces vibrations de basse fréquence sont le plus souvent générées par les véhicules (camion, engin de chantier, tracteur).

La manipulation d’outils vibrants pourrait concerner jusqu’à 4 % de la population active. Classiquement, les outils dont la fréquence est comprise entre 20 et 40 Hz causeraient surtout des troubles ostéo-articulaires : lésion du coude et du poignet (maladie de Kienböck, maladie de Kölher). Ceux dont la fréquence est comprise entre 40 et 300 Hz seraient les plus grands pourvoyeurs de phénomène de Raynaud. Enfin les fréquences entre 300 et 1 000 Hz entraîneraient des lésions des artérioles (très petites artères) et des atteintes nerveuses.

Il faut cependant savoir qu’un même outil peut avoir des spectres de vibrations très différents selon la nature du travail effectué, la conception et l’usure de la machine ainsi que la technique et le savoir-faire de l’utilisateur.

Les professions concernées par les troubles ostéo-articulaires dont fait partie l’arthrose du coude sont donc principalement les secteurs du bâtiment, de la sidérurgie, des travaux publics, de l’agriculture, des chantiers navals, des mines, des carrières…

Les engins vibrants en cause peuvent être :

  • Les outils, en général pneumatiques, percutants (marteaux-piqueurs, marteaux-perforateurs, brise-bétons, burins, bouchardeurs) employés principalement dans les industries du bâtiment et des travaux publics et dans les mines. Ce sont probablement les outils qui génèrent le plus de vibrations de fréquences comprises entre 20 et 40 Hz ;
  • Les outils roto-percutants comme les perceuses à percussion et les clés à choc (industries automobiles) ;
  • Les machines rotatives, telles que les polisseuses, les meuleuses (particulièrement les meuleuses sur pied) ;
  • Les scies à chaîne, les tronçonneuses et les débroussailleuses utilisées chez les forestiers ;
  • Les machines alternatives, telles que les ponceuses et les scies sauteuses.

Plusieurs auteurs ont tenté d’évaluer la fréquence d’apparition de l’arthrose du coude chez les sujets exposés aux vibrations. Les chiffres retrouvés varient entre 3 et 27 % de sujets atteints. Si l’on se réfère aux statistiques de maladies professionnelles indemnisables, l’arthrose du coude représente 0,3 % de l’ensemble des maladies professionnelles : c’est de loin la plus fréquente des trois pathologies ostéo-articulaires classiques dues aux vibrations au niveau du membre supérieur.

L’arthrose du coude est souvent bilatérale, même si le membre dominant est plus atteint. Enfin, il semble que les lésions soient plus fréquentes après dix ans d’utilisation des outils en cause.

Arthrose du coude professionnelle : comment cela arrive-t-il ?

L’arthrose du coude résulte d’une détérioration du cartilage mais aussi d’une tentative d’adaptation du corps humain aux différentes forces exercées sur le coude lors de l’utilisation d’outils vibrants.

La manipulation des outils vibrants entraînent des effets arthrosiques de deux types : directs par les traumatismes articulaires et indirects par réaction aux forces exercées lors de la préhension et du guidage de ces outils.

Les microtraumatismes et la pression répétée sur la surface articulaire créent des atteintes du cartilage (surtout quand les muscles sont fatigués) qui conduisent à l’arthrose.

Par ailleurs, le coude est soumis à des forces de pression et de tension qui font réagir les tissus de soutien (os, cartilage, ligaments, muscles). Au sein de ces tissus, les forces de pression vont aboutir à la formation de cartilage tandis que les forces de tension aboutissent à une production de tissu conjonctif (tissu de liaison et de soutien). Il s’en suit une formation de fibrocartilage qui va avoir tendance à s’ossifier dans des situations de contraintes mécaniques chroniques qui dépassent les limites physiologiques des cartilages, tendons, capsules ou ligaments comme il est observé lors d’utilisation fréquente d’outils vibrants. Il s’agit donc d’une réponse réparatrice par le biais d’une ostéophytose (développement d’ostéophytes qui sont des excroissances de tissu osseux se développant à proximité des articulations). Cette ostéophytose est une des composantes classiques de l’arthrose.

Enfin, il existerait des susceptibilités individuelles pouvant produire, à exposition identique, des manifestations arthrosiques différentes d’un individu à l’autre.

L’ostéochondromatose résulte d’un processus de transformation de la synoviale (tissu qui tapisse l’intérieur de l’articulation) en petits corps cartilagineux qui font saillie à l’intérieur de l’articulation puis qui se détachent pour devenir des corps étrangers libres dans la cavité articulaire. C’est une complication classique de l’arthrose du coude mais, pour certains, elle pourrait aussi exister de manière isolée et être consécutive aux microtraumatismes tels qu’on peut les constater lors d’utilisation d’outils vibrants.

Arthrose du coude professionnelle : comment me protéger ?

La prévention individuelle des maladies ostéo-articulaires (maladie de Kienböck, maladie de Köhler, arthrose du coude) passe par le port de gants mais aussi par une bonne connaissance des machines utilisées et des effets des vibrations sur la santé.

Le port de gants est conseillé, même si leur efficacité pour les basses fréquences est bien moindre que pour les moyennes et hautes fréquences. La norme ISO 10819 de juillet 1996 intitulée « Vibrations et chocs mécaniques – Vibrations main-bras – Méthode pour mesurer et évaluer le facteur de transmission des vibrations par les gants à la paume de la main » en est la preuve : elle ne détermine que deux facteurs de transmission :

  • TRm pour les fréquences moyennes (31,5 à 200 Hz) ;
  • et TRh pour les hautes fréquences (200 à 1250 Hz).

Les fréquences les plus basses, celles responsables de pathologies ostéo-articulaires ne sont pas explorées.

Bien que d’une efficacité relative (on choisira quand même un gant avec un TRm le plus bas possible), ces gants ont plusieurs intérêts :

  • Ils protègent contre les fréquences plus élevées et on sait qu’un outil vibrant entraîne des vibrations sur plusieurs spectres de fréquence ;
  • Ils protègent du froid et des traumatismes.

Parmi les matériaux antivibratiles utilisés, le Gelfom® qui provoque une atténuation de 17 % des vibrations à 20 Hz et les gants Air Gloves® (membrane comportant des alvéoles remplies d’air) avec un TRm à 0,66 semblent se détacher des autres.

Bien connaître les machines

Le second pan de la prévention individuelle consiste en une bonne connaissance des machines et de leur utilisation ainsi que des effets des vibrations sur la santé. Une bonne connaissance des machines permettra d’éviter un certain nombre d’erreurs :

  • Choisir une machine inadaptée peut augmenter la durée de la tâche et la force de préhension (l’opérateur doit forcer sur la machine). Le niveau de vibrations s’en trouvera augmenté par rapport à l’utilisation d’une machine adaptée ;
  • Utiliser une machine dont certaines pièces sont usées équivaut à utiliser une machine inadaptée ;
  • Tenir de façon trop ferme la machine augmente la force de préhension, donc la transmission des vibrations au « système main-bras » ;
  • Tenir la machine par son « corps » plutôt que par les poignées antivibratiles peut augmenter, dans le cas d’un burineur par exemple, les vibrations par un facteur de deux ou trois.

Une bonne connaissance des effets des vibrations sur la santé permettra une meilleure attention de l’opérateur par rapport aux premiers symptômes (à un stade réversible) des vibrations.

D’un point de vue réglementaire, une nouvelle directive européenne concernant les vibrations devrait être enfin finalisée courant 2002. Les Etats membres auraient alors jusqu’en 2005 pour la transposer dans leur législation propre, avec de possibles dérogations jusqu’en 2010, voire 2014 pour les machines agricoles et sylvicoles. Cette directive prévoit de façon explicite la formation et l’information des travailleurs aussi bien sur les pratiques professionnelles sûres que sur l’utilité et la façon de dépister et de signaler des symptômes relatifs à l’exposition aux vibrations.

Arthrose du coude professionnelle : prévention collective dans le cadre professionnel

La prévention des atteintes ostéo-articulaires liées aux vibrations passe nécessairement par une diminution de l’intensité des niveaux vibratoires transmis par le « système main-bras ». Maladie de Kienböck, maladie de Köhler et arthrose du coude obéissent aux mêmes règles de prévention.

L’automatisation des tâches devra être envisagée à chaque fois que cela est possible. En cas d’impossibilité, il faudra rechercher la machine la moins vibrante et ce dès son achat : les valeurs vibratoires déclarées réglementairement (selon la norme ISO 5349) par les constructeurs seront utiles pour ce choix.

Cependant, les valeurs du constructeur ne permettent qu’une approche partielle de l’exposition : seul le mesurage au poste de travail permettra de définir avec précision le niveau de vibrations générées par une machine ou un outil : en situation réelle, les niveaux varient considérablement d’une tâche à une autre.

Bien choisir l’outil

En conséquence, le choix de l’outil devra être fonction de la tâche à effectuer et adapté au mieux à celle-ci : pour une tâche précise, il vaut parfois mieux choisir un outil très performant, facile à utiliser et ayant des données constructeur avec un niveau vibratoire relativement élevé, qu’un outil moins performant, peu adapté à la tâche et avec un niveau vibratoire moindre.

Dans le second cas, l’opérateur forcera plus sur la machine. La transmission des vibrations augmentant avec la force de préhension, il en résultera une exposition finalement plus élevée aux vibrations et celle-ci sera majorée par le temps plus important passé à accomplir la tâche (les mesures devant bien sûr s’exprimer en valeurs d’exposition journalière).

La conception de la machine est, bien entendu, fondamentale. A l’intérieur de la machine elle-même, l’isolation du corps de la machine par rapport aux parties percutantes ou rotatives est un élément majeur. A l’extérieur, elle devra être munie de poignées antivibratiles, mais ces poignées antivibratiles ne doivent pas non plus être trop souples car elles obligeraient l’opérateur à augmenter la force de préhension : il faut donc trouver un compromis et tester ces machines dans des conditions réelles.

Ne pas négliger la maintenance

La maintenance des outils et des machines est aussi un élément majeur dans la protection collective : une machine abîmée perd de son efficacité et génère des vibrations deux à quatre fois plus importantes. Il en est de même des systèmes antivibratiles qui doivent être contrôlés et remplacés dès que nécessaire.

L’organisation du temps de travail est un autre élément de protection collective : il faut prévoir une rotation des postes, notamment là où les hauts niveaux vibratoires sont connus. Dans le même ordre d’esprit, il faut prévoir des périodes de coupure, même de courte durée en intercalant dans le temps de travail des tâches sans exposition aux vibrations.

Arthrose du coude professionnelle : quelle réparation ?

Les tableaux de maladies professionnelles indemnisables comportent l’énumération, rangée par rubriques, des conditions que le malade doit remplir pour obtenir l’indemnisation. Ces rubriques sont : la désignation de la maladie, le délai de prise en charge (délai maximal entre la fin de l’exposition au risque et le premier certificat médical) et la liste (indicative ou limitative) des travaux susceptibles de provoquer la maladie.

Si le salarié remplit ces différentes conditions, il bénéficie de la présomption légale d’origine professionnelle de sa maladie (c’est-à-dire que ce n’est pas à lui d’apporter les preuves, mais à la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) ou à l’employeur de démontrer que la maladie n’est pas liée au travail).

La procédure

Il appartient à la victime de faire elle-même la demande auprès de la Caisse primaire d’assurance maladie dont elle dépend. La demande sera effectuée par une déclaration, établie sur un formulaire type disponible auprès des CPAM. Cette déclaration sera accompagnée des deux premiers volets du certificat médical descriptif de la maladie, établi par le médecin traitant ou le médecin du travail, et envoyée à la CPAM dont dépend l’assuré.

Le médecin conseil de la CPAM apprécie, accepte ou rejette cette déclaration (au besoin après examen du patient et/ou enquête technique).

Dispositions spécifiques à l’arthrose du coude

L’arthrose du coude est une maladie professionnelle indemnisable : elle fait partie des maladies listées au tableau 69 du régime général de la Sécurité sociale et au tableau 29 du régime agricole.

Le délai de prise en charge est de cinq ans. La maladie doit être confirmée par des examens radiologiques qui doivent mettre en évidence des ostéophytes (excroissances de tissu osseux se développant à proximité des articulations).

On peut noter que les listes des travaux donnant doit à une indemnisation sont limitatives, mais qu’elles englobent pratiquement tous les outils vibrants susceptibles d’entraîner une arthrose du coude. La liste du régime agricole diffère quelque peu de celle du régime général en raison de l’utilisation d’outils spécifiques au milieu agricole.