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Hémophilie

Hémophilie: Qu’est-ce que c’est ?

L’hémophilie est un trouble de la coagulation sanguine. Elle se manifeste par des hémorragies dont la gravité dépend de la localisation du saignement et de son intensité.

L’incidence de l’hémophilie A est de 1/5 000 naissances, et celle de l’hémophilie B est de 1/30 000 naissances. Il existe environ 6 000 hémophiles en France. La transmission génétique est liée au sexe, ce qui implique que seul les garçons soient malades. L’hémophilie se caractérise donc à trois niveaux : génétique, biologique (déficit des facteurs VIII ou IX de la coagulation) et clinique (syndrome hémorragique).

La transmission génétique

Elle est liée au chromosome sexuel X. Ceci implique que seuls les garçons soient atteints, et que les femmes soient conductrices. L’hémophilie féminine existe mais reste exceptionnelle. Si la notion d’antécédents familiaux est classique, parfois ils ne sont pas retrouvés s’il y a eu une transmission par cascade de conductrices. Cependant la détection des conductrices, le conseil génétique et le dépistage prénatal précoce constituent trois éléments fondamentaux pour la prise en charge des familles d’hémophiles.

La présentation clinique

Elle est identique pour l’hémophilie A et l’hémophilie B. Les taux sanguins de facteur VIII et de facteur IX définissent les différentes formes cliniques. Trois formes distinguées sont :

  • Forme majeure : le facteur VIII coagulant (F VIIIc) ou le facteur IX coagulant (F IXc) ont un taux inférieur à 1 % ;
  • Forme modérée : le facteur VIII coagulant (F VIIIc) ou le facteur IX coagulant (F IXc) ont un taux compris entre 1 et 5 % ;
  • Forme mineure ou fruste : le facteur VIII coagulant (F VIIIc) ou le facteur IX coagulant (F IXc) ont un taux compris entre 5 et 30 %.

L’hémophilie ne se traduira pas de la même façon en fonction de l’intensité du déficit. Plus le déficit biologique est profond, plus le syndrome hémorragique est sévère. La révélation de la maladie est également plus précoce dans les formes graves.

Les hémorragies sont provoquées par des traumatismes généralement minimes. Elles sont souvent retardées et répétitives. C’est la localisation du saignement qui en fait la gravité. L’évolution de la maladie est en principe identique au sein d’une même famille.

Hémophilie: Comment la reconnaître ?

La présentation clinique est identique pour les deux formes d’hémophilie (A et B). Il s’agit de saignements d’autant plus sévères que le déficit biologique est profond. De plus, la notion d’hérédité et l’interrogatoire familial permettent d’orienter le diagnostic. D’un point de vue biologique, l’hémophilie est suspectée devant un test de coagulation sanguine (appelé « temps de céphaline activé » ou TCA) anormalement long.

La présentation clinique est la même pour l’hémophilie A et l’hémophilie B. Elle est fonction du déficit des facteurs de la coagulation qui permettent de définir trois formes sont d’hémophilie.

La forme majeure

Les premiers accidents hémorragiques apparaissent vers un an lorsque l’enfant commence à marcher. Il s’agit bien souvent d’hémarthroses (hémorragie des grosses articulations) touchant principalement les genoux et les coudes. Ces hémorragies se résorbent spontanément en quelques jours, mais leur gravité vient du caractère récidivant.

La répétition de ces hémorragies dans les articulations va entraîner leur destruction et la constitution de ce qu’on appelle une arthropathie hémophilique chronique. Les signes d’hémorragie peuvent également se manifester sous la forme d’hématomes profonds ou superficiels.

Le risque est plus ou moins important selon l’endroit où l’hémorragie apparaît : risque d’asphyxie lorsque l’hématome siège au niveau du plancher buccal, risque de cécité lorsque la localisation est au niveau de l’orbite, etc. Les hémorragies extériorisées après coupure, ou saignement de nez ne sont pas rares.

La forme modérée et la forme mineure

Les hémarthroses sont rares. Bien souvent, l’hémophilie se révèle tardivement et toujours à l’occasion d’une hémorragie provoquée : soins dentaires, intervention chirurgicale, etc.

Dans tous les cas, la recherche d’antécédents familiaux est nécessaire : il convient de rechercher les accidents hémorragiques chez les sujets de sexe masculin du côté maternel. En effet, l’existence d’hémarthroses survenant de façon répétitive et retardée après des traumatismes minimes doit faire évoquer le diagnostic d’hémophilie.

Sur le plan biologique les signes sont pauvres. En effet, la plupart des tests de coagulation pratiqués en routine sont la plupart du temps normaux. En fait, un seul test se révèle généralement anormal, il s’agit du temps de céphaline activé (TCA) qui est allongé. Cette anomalie du TCA doit conduire au dosage spécifique des facteurs F VIIIc et F IXc qui s’ils sont abaissés, confirmeront le diagnostic d’hémophilie.

D’autres pathologies de la coagulation peuvent se manifester

Ces pathologies se manifestent par un allongement du TCA :

  • La maladie de Willebrand. C’est la maladie hémorragique la plus fréquente (1 % de la population) qui est transmise sur un mode autosomique dominant, et qui donc touche aussi les filles. Le temps de saignement est ici allongé ;
  • Dans certaines maladies auto-immunes (lupus), il peut exister des anticorps anticoagulants circulant anti F IX ou F VIII.

Il existe également d’autres déficits de facteurs de la coagulation qui se traduisent par un allongement du TCA. Cependant, on ne retrouve pas d’antécédents familiaux et les hémorragies, lorsqu’elles existent, ne se présentent pas de la même manière.

Hémophilie: Comment cela marche-t-il ?

On peut établir le diagnostic d’hémophilie en fonction des antécédents familiaux, du caractère des hémorragies et du bilan biologique.

La recherche d’antécédents familiaux : on recherche les accidents hémorragiques chez les sujets de sexe masculin du côté maternel car il s’agit d’une maladie héréditaire récessive liée au chromosome X. Un arbre généalogique doit être dans ce cas constitué.

Le caractère des hémorragies

Il s’agit d’hémorragies de type hémarthrose qui touchent les grosses articulations et qui apparaissent généralement après un an lorsque l’enfant commence à marcher. Ce sont des hémorragies provoquées par des traumatismes minimes ou modérés, qui n’apparaissent pas immédiatement après l’événement qui les a provoquées.

C’est probablement au niveau des vaisseaux synoviaux que commence l’hémorragie. Elle se développe dans la cavité articulaire ou dans les épiphyses (extrémités des os) ou diaphyses (parties moyennes d’un os long) osseuses. En pleine hémorragie, l’espace synovial est gonflé de sang. Le spasme musculaire accentue la pression intrasynoviale. Les hémorragies des régions situées autour des articulations sont les plus fréquentes.

L’articulation retrouve son fonctionnement normal en quelques jours après les premiers épisodes d’hémarthrose. Cependant, peu à peu, la résorption intra-articulaire de sang est de moins en moins complète et le sang retenu provoque une inflammation chronique de la synoviale avec destruction des cartilages.

L’articulation reste alors enflée et douloureuse pendant des mois. C’est ainsi que se constituent des signes caractéristiques d’arthrose chronique. D’autres localisations peuvent se rencontrer (hémorragie cérébrale, hématomes profonds, hémorragies digestives), mais la gravité de l’hémorragie dépend de sa localisation.

Les tests de dépistage

Le temps de céphaline activé (TCA) est anormalement long. Les résultats sont anormaux si le taux de facteur coagulant est inférieur de 20 ou 25 % de la normale. L’anomalie du TCA peut être corrigée par addition au plasma du malade d’environ 20 % de plasma normal ou d’un autre réactif contenant du facteur F VIII ou F IX. Cet effet de correction est le principe de base de nombreux tests de dépistage. Le temps de saignement et le chiffre de plaquettes sont normaux.

Hémophilie: Quels facteurs de risques ?

Les outils dont dispose la biologie moléculaire ont permis d’aborder le diagnostic direct des hémophilies A et B sévères par l’étude du gène qui en est le responsable. Les familles d’hémophiles doivent pouvoir bénéficier de ce moyen diagnostique.

Lorsqu’on diagnostique l’hémophilie

Une information complète sur la maladie et les possibilités thérapeutiques doit être donnée. Une étude familiale systématique est conduite, et un arbre généalogique établi pour dépister les autres membres de la famille éventuellement malades, ainsi que les conductrices.

Il est donc important de pouvoir étudier les femmes avant toute grossesse et en dehors de toute situation d’urgence.

Le « dépistage »

L’analyse de l’ADN est réalisée à partir des globules blancs du sang recueillis à partir d’une simple prise de sang. On peut ainsi identifier une anomalie moléculaire (diagnostic direct) ou un marqueur « informatif » (diagnostic indirect). En cas d’hémophilie A, les anomalies du gène du facteur F VIII sont détectées dans 45 % des cas. En cas d’hémophilie B, la détection de l’anomalie est possible dans 95 % des cas par le diagnostic direct.

On doit proposer un diagnostic prénatal précoce aux conductrices. La détermination du sexe et le diagnostic d’hémophilie chez le fœtus sont possibles à partir de l’ADN de cellules fœtales prélevées par ponction de liquide amniotique (amniocentèse) ou ponction de sang de cordon.

Hémophilie: Quels facteurs aggravants ?

La manifestation la plus dramatique de l’hémophilie est l’hémorragie. En fonction de la localisation du saignement et de la profondeur du déficit, l’expression clinique sera plus ou moins grave.

L’hémarthrose (hémorragie des grosses articulations) est la manifestation la plus classique, mais d’autres situations peuvent se rencontrer.

L’hémarthrose

C’est la manifestation hémorragique la plus fréquente et la plus invalidante physiquement et psychologiquement. L’hémorragie apparaît au niveau des vaisseaux de la synovie après un traumatisme bien souvent minime. L’hémorragie se développe dans la cavité articulaire ou dans les épiphyses et diaphyses.

Lors des premières manifestations, l’hémorragie se résorbe en quelques jours. Mais avec le temps, le sang est de moins en moins bien réabsorbé, créant un phénomène inflammatoire chronique dans l’articulation, aboutissant à la destruction des cartilages. A long terme, cela conduit à l’apparition d’une vraie maladie rhumatologique : l’arthropathie hémophilique.

Les conséquences sont l’ankylose, l’apparition de nécrose (mort) osseuse et d’ostéophytes (développement osseux excessif). Ceci induit un arrêt de la croissance par un empêchement de nutrition osseuse et une croissance exagérée des extrémités osseuses (épiphyses) du fait d’un afflux de sang excessif.

Les hématomes sous cutanés et intramusculaires

Ils sont fréquents. Ils s’étendent dans les enveloppes musculaires et dissèquent les structures profondes. Les hémorragies sous cutanées (sous la peau) peuvent s’étendre à plus de la moitié du corps. Le point de départ de l’hémorragie peut être entièrement résorbé alors que le front continue à progresser.

La conséquence la plus grave est la compression d’organes vitaux telle que l’hémorragie intracrânienne (à l’intérieur du crâne) qui représente la première cause de mortalité chez l’hémophile. Les hématomes de la langue, de la gorge et du cou peuvent être responsables d’asphyxie. Les hématomes intra-orbitaires (à l’intérieur de l’orbite de l’œil) peuvent engendrer des cécités par compression du nerf optique.

Le syndrome hémorragique peut concerner tous les organes. Les localisations digestives et urologiques sont plus rares.

Les autres manifestations

Les kystes hémophiliques : ce sont des cavités remplies de sang qui s’étendent progressivement et provenant d’hémorragies dans les espaces sous périostés (sous la membrane qui constitue l’enveloppe des os) ou tendineux. Ils détruisent les os et les parties molles au fur et à mesure de leur progression.

Les effets psychologiques de l’hémophilie peuvent être nombreux et graves et ont souvent une influence sur l’évolution de la maladie.

Complications liées au traitement

Complications hématologiques :

l’administration de facteur anti-hémophilique peut induire l’apparition d’anticorps dirigés contre la protéine utilisée pour le traitement. Ces anticorps sont responsables de l’inefficacité du traitement lorsqu’ils sont présents à des taux élevés. Dix pour cent des hémophiles sont concernés.

Complications infectieuses :

les infections virales ont été au premier plan des complications chez l’hémophile. La vaccination contre l’hépatite A et B est recommandée. Le virus de l’hépatite C a contaminé de 80 à 100 % des sujets. La moitié a développé une hépatite chronique et le risque de cancer du foie est accru.

Jusqu’en 1985, plus d’un tiers des hémophiles ont été contaminés par le virus du Sida. Depuis cette date aucun cas n’a plus été recensé. La prévention de cette infection par l’élimination des donneurs séropositifs et le chauffage des produits anti-hémophiliques a permis d’enrayer l’épidémie chez les hémophiles.

Hémophilie: Comment vivre avec ?

Le patient hémophile doit être pris en charge de façon globale et recevoir une éducation sur sa maladie, les traitements et les règles de vie.

L’hygiène de vie repose sur un ensemble de paramètres que chaque patient ainsi que sa famille doivent connaître :

  • Port d’une carte indiquant le type d’hémophilie, le taux de facteur, l’existence d’un anticoagulant circulant. Le nombre d’unités de facteur anti-hémophilique reçues doit être consigné sur un carnet où sont notés les accidents hémorragiques ;
  • Injections intramusculaires, ponctions, rasage à main, médicaments déprimant l’hémostase sont proscrits ;
  • Protocole de prévention des soins dentaires à connaître (gouttières compressives) ;
  • Vaccination contre l’hépatite A et l’hépatite B recommandée ;
  • Après toute ponction veineuse, faire une compression digitale de 10 à 15 minutes au moins voire un pansement compressif ;
  • Enquête familiale pour dépister tous les cas de maladie et de femmes conductrices fortement conseillée, avec établissement d’un arbre généalogique et orientation vers le dépistage et le diagnostic prénatal ;
  • Mode de vie évitant les traumatismes (sport violent) ;
  • Possibilité d’inscription dans les associations de patients hémophiles pour aider à une bonne intégration socioprofessionnelle, trouver un soutien psychologique indispensable dans la prise en charge d’un patient hémophile.

Hémophilie: quel traitement ?

Trois principes sont importants :

  • Commencer le plus tôt possible un traitement de substitution ;
  • Pas de geste intempestif : substituer et immobiliser ;
  • Pas de geste invasif (type chirurgical) sans substitution préalable.

Le traitement substitutif

Le traitement des accidents hémorragiques se fait au coup par coup. Tout d’abord le traitement local est utilisé dans toutes les situations où cela est possible avec l’aide de moyens de compression. Le traitement général fait appel aux injections intraveineuses de concentré de facteur anti-hémophilique.

Le traitement substitutif en facteur déficitaire doit être le plus précoce possible et vise à ramener le taux du facteur déficitaire à une valeur compatible avec une coagulation correcte (inférieure à 30 %). Les facteurs anti-hémophiliques (FAH) sont obtenus à partir de fractions coagulantes extraites de plasma humain purifié.

La dose injectée tient compte du poids du malade, du taux de facteur chez le patient, de l’abondance et du siège de l’hémorragie et de la « durée de vie » du facteur. Il faut toujours utiliser le facteur avec lequel le patient à l’habitude d’être traité pour éviter l’apparition d’anticorps anticoagulants circulants. Dans tous les cas, il faut tenir à jour le carnet d’hémophilie et rechercher la présence d’anticoagulants circulants tous les trois mois.

Traitement prophylactique et règles d’hygiènes

Un traitement prophylactique des hémorragies peut être proposé, et consiste en l’injection de FAH deux à trois fois par semaine. Ceci dépend des centres de traitement et ne fait pas encore l’objet d’un consensus.
Dans tous les cas, les règles d’hygiène doivent être appliquées au patient et à sa famille. Le port d’un carnet hémophilique permet de consigner les principaux événements et de suivre le patient. Il ne faut pas oublier de mener une enquête familiale pour dépister les patients malades et les femmes conductrices. Il faut également proscrire tous les gestes (ponctions, traumatismes, etc.) pouvant induire un syndrome hémorragique.